Nous avons découvert la cuisine chinoise à travers le cinéma, comme nous avons découvert d’ailleurs bien d’autres secrets de la vie grâce au 7ème art, qui fut définitivement notre meilleur et plus fidèle précepteur. C’est sûr, nous étions un peu distraits devant le chapelet de professeurs déjantés qui défila devant nos yeux curieux, préférant nous attirer le regard de nos voisines ou faire des compositions plastiques à partir de l’envoûtante colle Cléopâtre.
Dans l’épaisseur d’une salle sombre, il y eut cette inoubliable rencontre avec M. Chow et Mme. Chan, voisins dans le Honk Kong moite et enfumé des années 60 et délaissés par leurs conjoints respectifs. À Hong Kong, à cette époque, on ne cuisinait pas chez soi mais on descendait se faire préparer son dîner dans des petits Dai Pai Dong de feu et de fumée. Alors, quand Mme Chan, à l’étroit dans une qipao irréelle, descendait chercher quelques baos, et que M. Chow, affamé lui aussi, la laissait passer dans le mince couloir, l’échange furtif laissait des traces bouillantes d’un appétit qui ne pourrait s’éteindre.
Cet amour qui ne se dira jamais que par les yeux, se consommera uniquement autour de petits plats épicés («do you like it spicy ?») - la faim et le désir brouillant les liant constamment. Le premier acte le plus intime, ils en auront abusé. On dit que Wong Kar Wai voulait faire un film sur la folle culture food de HK et qu’en allumant la caméra, il aurait filmé la plus belle histoire d’amour. Les cinéphiles auront reconnu un film qui bien souvent flotte au sommet de leur préférence : In the Mood for Love.
C’est donc emplis d’une humeur de feu et l’appétit lascif que nous avons appelé nos copains de chez Bao Family. Noyés dans le brouillard de vapeurs et d’épices de leur cuisine magique, chef Nico et la team de Bao Family ont immédiatement sorti quelques évidences. Le Wonton Cheeseburger, où nous enroulons Los Angeles dans un ravioli, enfantant alors une nouvelle contrée, celle d’ici et de là-bas, le paradis donc. Le Bao Burger, hymne préparatoire à une soirée brûlante, est un fried chicken mariné au saté et glacé au sweet chili qui repose, croustillant, sur un coussin d’aubergines plantureuses et recouvert de notre fameux old-fashioned melted cheddar évidemment. Notre amant commun, Deck & Donohue, nous a rappelé la nécessité d’un triolisme forcément jouissif, arrosant tout cela d’une version sublimée de la chinese beer traditionnelle.
PNY & BAO c’est now, c’est pendant pas longtemps et c’est absolument nécessaire.
FRIED CHEESEBURGER WONTONS
Wontons alias raviolis frits
au bœuf haché et cheddar affiné
9 mois, oignons rouges, ketchup, moutarde américaine, dans un dipping magique
GUA BAO BURGER
Bao bun de la Bao Family,
fried chicken mariné au saté
et glacé à la sauce sweet chili, old-fashioned melted cheddar, aubergines marinées,
salade iceberg, mayonnaise gingembre sésame
BIÈRE TSING-BAO
La version sublimée de la classique Chinese beer par les copains de chez Deck&Donohue
Blonde, fraîche, acidulée, relevée par une touche de sel et poivre du Sichuan vert de chez Nomie
*On applaudit la traduction canadienne de ce film magique que nous autres Français avions laissée dans sa belle langue anglaise originale (tellement parfaite pour faire des titres) : Les Silences du Désir. Nous trouvons cela évidemment laid (sur la forme) mais d’une justesse absolue sur le fond, In the Mood for Love étant un peu trop guilleret et enjoué à notre goût face à l’épaisseur de ce film sans rire. Bien que nous ne soyons pas là pour renommer les films mais pour faire les meilleurs burgers de la planète, nous profitons de ce commentaire pour partager un director’s cut quelque peu rare.
**Nous ne pourrions clôturer cette newsletter dédiée au plus beau des écrans et aux wontons tout chauds, sans évoquer Salé Sucré. Le chef le plus connu de Taïwan devenu veuf tente de communiquer avec ses filles à coup de all you can eat buffet qu’il prépare comme un malade. Une petite perle.