Le premier soleil de printemps faisait fondre la neige des trottoirs de Cedar Avenue. Chez Matt’s Bar, au numéro 3500, la radio Marantz emplissait l’air enfumé du nouveau tube country de Hank Snow. Arrivé au top des charts, Hank chantait sa séparation douloureuse et se consolait dans la joie amère d’une liberté retrouvée. Il était presque midi et l’Amérique avait faim. Edward garait sa Ford Thunderbird bleu nuit, achetée d’occasion, devant la lourde porte en bois de son restaurant préféré. Sa vie était en vrac. Sa femme l’avait plaqué. Son patron, plus riche et plus beau, l’avait emmenée en Californie. Edward avait passé la veille au 5-8 Club. Les verres à martini qu’il prenait sans glace s’était amoncelés sur le bar et ses yeux s’étaient noyés dans le regard de la nouvelle jolie serveuse, Lucy. Au petit matin frais, à ses côtés, dans les draps froissés du motel le moins cher du quartier de PowderHorn, la jolie Lucy respirait tendrement. La chevelure souple et les rires faciles lui rappelaient ses plus belles années. Et le soleil ce matin-là faisait fondre la neige des trottoirs de Cedar Avenue. Allumant une Lucky Strike en se frayant un passage dans la neige fondue, Edward ouvrit la porte d’entrée du Matt’s Bar. S’asseyant devant Matt qui essuyait des verres derrière le bar, Edward lui demanda : « Matt, I need a restart my man, crank out a killer one for me ». Glissant du cheddar à l’intérieur d’un steak haché et le recouvrant de simples oignons et d’une sauce de la couleur des matins nouveaux, Matt apporta le cheeseburger et son steak haché gonflé d’or coulant. En mordant dans le burger encore brûlant, le cheddar couleur d’or coula, Edward conquis, heureux, brillant, lança :
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